Petit billet d’humeur du matin, qui ne sera sans doute pas forcément lu, mais que je me devais de vous confier.
Pourquoi j’ai toujours refusé de réparer les smartphones récents, les Mac modernes…
et pourquoi notre rapport au matériel est devenu profondément malsain
La question revient régulièrement, alors autant poser les choses une bonne fois pour toutes.
Je n’ai jamais réparé de smartphones récents.
Je n’ai jamais réparé de Macintosh modernes.
Ce n’est pas un revirement, ni un choix opportuniste.
C’est une ligne que j’ai toujours tenue, parce que je considère que réparer, ce n’est pas “faire n’importe quoi à n’importe quel prix”.
Quand la “réparation” devient un pari risqué
Le matériel moderne est aujourd’hui pensé contre la réparation.
Pas par accident. Par conception.
Tout est collé, empilé, fragile, verrouillé.
Une panne banale peut exiger un démontage lourd, dangereux, stressant.
Un simple connecteur USB-C défectueux peut impliquer de décoller un écran OLED hors de prix, avec un risque permanent de casse.
On ne parle plus d’un travail technique maîtrisé, mais d’une roulette russe :
- une erreur,
- une nappe fragile,
- un écran qui fissure,
…et c’est toute l’intervention qui devient un gouffre financier.
Travailler longtemps, risquer gros… pour gagner des clopinettes
Soyons honnêtes.
Une réparation moderne, c’est souvent :
- 1 à 2 heures de travail,
- du diagnostic,
- de la microsoudure,
- une concentration maximale,
- une responsabilité énorme.
Et à la fin, le client — même après avoir payé 1000 € son téléphone — n’est souvent pas prêt à entendre qu’une réparation sérieuse coûte 200 ou 300 €.
Résultat :
- pression sur le réparateur,
- marges ridicules,
- risque financier totalement déséquilibré.
Ce modèle ne respecte ni le métier, ni le savoir-faire.
Le risque est toujours pour le réparateur, jamais pour le fabricant
Quand ça fonctionne, personne ne se pose de question.
Quand ça casse, c’est le réparateur qui trinque.
Le fabricant, lui :
- vend un produit irréparable,
- impose un design hostile,
- verrouille l’accès aux pièces,
- encourage implicitement le remplacement.
La responsabilité est déplacée, volontairement.
Et c’est une équation que j’ai toujours refusée.
La grande hypocrisie de l’écologie high-tech
Et c’est là qu’on touche à quelque chose de plus profond.
On vit une époque où certains se permettent de :
- donner des leçons d’écologie,
- juger les choix de vie des autres,
- expliquer ce qui est “responsable” ou non.
Tout en utilisant :
- des smartphones jetables,
- renouvelés tous les deux ou trois ans,
- bourrés de terres rares,
- extraits dans des conditions humaines et écologiques désastreuses,
- impossibles à réparer correctement.
Soyons clairs :
👉 un smartphone à 1000 € renouvelé régulièrement est un désastre écologique bien plus grave qu’un billet d’avion.
Mais ça, c’est moins confortable à regarder en face.
Ma vision de la vraie écologie : réparer, prolonger, transmettre
Depuis le début, j’ai fait un autre choix.
Je préfère réparer :
- du matériel vintage,
- des consoles anciennes,
- des machines conçues pour durer,
- des appareils démontables, documentés,
- des objets qui peuvent réellement avoir une seconde vie.
Ça, c’est de l’écologie concrète :
- prolonger l’existant,
- éviter la surconsommation,
- transmettre le savoir,
- refuser le jetable déguisé en “premium”.
Et maintenant, parlons des déchetteries
Oui, récupérer en déchetterie est souvent considéré comme “illégal”.
Mais posons la question honnêtement :
👉 Est-ce vraiment criminel de récupérer du matériel fonctionnel promis à la destruction ?
Nous vivons une période de l’histoire abominable sur ce plan.
Dans certains coins — souvent plutôt aisés — on jette :
- des platines qui fonctionnent,
- des amplis Hi-Fi,
- des téléviseurs,
- des magnétoscopes,
- du matériel parfaitement réparable.
Parfois, à quelques mètres :
- une ressourcerie presque vide,
- et juste à côté… des bennes pleines d’objets fonctionnels envoyés au pilon.
C’est une aberration.
“Tu prends des risques” — oui, et je les assume
Oui, je récupère du matériel.
Oui, je prends des risques.
Et je les assume entièrement.
Si un appareil est mort :
- je peux le réparer,
- ou récupérer des pièces,
- ou éviter qu’il finisse broyé inutilement.
Mais ce que je refuse :
- c’est d’envoyer des mètres cubes de matériel fonctionnel vers une destruction absurde,
- pour ensuite nous expliquer qu’on “recycle”.
Dans les faits, une grande partie de ce matériel :
- n’est pas réellement recyclée,
- finit en décharge,
- ou part dans des filières opaques.
“C’est du vol” ? Sérieusement ?
Voler quoi ?
Une poubelle ?
Je ne vole pas un magasin.
Je ne vole pas un commerçant.
Je ne prive personne d’un bien en circulation.
Je récupère des objets condamnés à la destruction, qui ne repartiront jamais dans une économie responsable autrement.
Parler de vol dans ce contexte, c’est se moquer du monde.
Conclusion
Je ne répare pas tout.
Je ne récupère pas n’importe comment.
Et je n’adhère pas au discours écologique de façade.
Ma cohérence est simple :
- réparer ce qui peut durer,
- sauver ce qui peut l’être,
- refuser le jetable,
- refuser l’hypocrisie.
Le vrai problème écologique, ce n’est pas celui qui récupère dans une benne.
C’est le système qui produit, verrouille et détruit sans se poser de questions.




